par TLILI Mohamed - Historien
Photos Camille Mifort

PERIODE PRE-ROMAINE
PERIODE ROMANO-BYZANTINE
DE LA CONQUETE ISLAMIQUE AU PROTECTORAT
DU PROTECTORAT A NOS JOURS

LITTERATURE: PRISE DU KEF EN 1881
CARTE DU KEF AU 19ème SIECLE
CARTE DU KEF EN 1929

 

   Située au Nord-Ouest de la Tunisie (36°11Nord et 8°43Est), à 175 km. à l’ouest de Tunis et à 40 km à l’est des frontières algériennes, la ville du Kef est, depuis la plus haute Antiquité, la principale ville du Haut-Tell, du Nord-Ouest tunisien et d'une bonne partie de l'Est algérien, dont elle constituait, jusqu'à une date récente, le centre politique, le plus important centre religieux et la place forte dominante.

   La présence, à proximité, du plus vieux site archéologique tunisien à Sidi Zin, dans la vallée de l'Oued Mellègue, laisse penser que la région du Kef fut l'une des premières occupées par l'homme préhistorique.

   Plus tard, il s'établit sur les hauteurs du Kef (Djebel Dyr), au lieu-dit Sidi Mansour. Il put y profiter d'une abondante source d'eau, d'un site facilement défendable au coeur d'une région giboyeuse ainsi que d'un refuge naturel dans les grottes locales. Des peintures rupestres encore visibles témoignent de son passage (esh-Shgega).

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Grottes de Sidi Mansour

   Le site du Kef fut également occupé très tôt, comme en témoignent les récentes découvertes, au coeur même de la ville, de vestiges d'industries lithiques néolithiques en rapport avec des activités agricoles (oued el Aïn). C'est sans doute à cette époque que remontent les premiers cultes autour de la source abondante de Ras el Aïn, située en plein centre-ville. Les Keffois parlent encore de la Sainte gardienne des eaux de la source, Lella Mna, lointaine survivance de l'ancien culte du génie des eaux et des sources.

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Source Romaine (Ras el Aïn)

   L'époque mégalithique dut être florissante, si on en juge par les nombreux vestiges mégalithiques qui ont traversé les siècles pour parvenir jusqu'à nous (Hram de Sidi Mansour). Beaucoup ont malheureusement disparu, témoins des premiers foyers de peuplement sédentaire qui devaient donner naissance à la ville.

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Dolmen sur les hauteurs du Kef

   L'influence carthaginoise atteignit la ville au 5 ème s. av. J.-C., comme l'atteste la découverte de restes de céramiques puniques du IVème s. av. J.-C., lors de la construction des remparts de la ville (Borj Glel).

   Son site perché, riche en eau, amena sur la ville la protection d'Ashtar (ou Astarté), déesse de la fécondité. Ce culte est peut-être à l'origine du premier nom de la ville, Cirta (Chirta = Kirta), signifiant très probablement : haut-lieu sacré, sanctuaire consacré à Ashtar : a-chirta. Cirta fut, déjà dès l'époque numide, une ville-temple et un centre de pèlerinage, permettant la création d'alliances politiques avec les villes voisines (amphictyonie). Cette organisation territoriale autochtone survivra plus tard, à l’époque romaine, sous les noms de "pertica" et de "castellae".

   La ville passa par la suite sous le contrôle des Numides massaesyles. Syphax, roi des Numides, fit de Cirta une résidence dès 205 av. J.-C. Massinissa (203-148 av. J.-C.), roi des Numides massyles, après sa victoire sur Syphax en 203 av. J.-C., renforça son rôle de capitale du royaume numide unifié, le Regum Numidiae. Micipsa (148-118 av. J.-C.),son fils et héritier, l’embellit. Les Anciens la qualifiaient de ville splendide, elle accueillait une importante colonie grecque et italique, généralement des lettrés, des architectes et des négociants en blé.

   Lorsque survint la mort de Micipsa, en 118, ses trois héritiers (Adherbal, Hiempsal et Jugurtha) se disputèrent le royaume. Hiempsal fut très vite assassiné par Jugurtha. Ce geste eut pour conséquence de diviser les Numides en deux camps, l'un pour Adherbal, et le second constitué surtout par l'élite militaire favorable à Jugurtha.

   Echu à Adherbal par un arbitrage du Sénat romain, Cirta fut assiégée et investie par Jugurtha en 112 av. J.-C.Adherbal fut vaincu et égorgé la même année. Jugurtha était maître de toute la Numidie.

   Mais dès 110 av. J.-C., les combats reprirent contre l'armée romaine. La ville de Cirta se rendit aux Romains en 108 av. J.-C. Ceux-ci établirent, non loin, un camp permanent pour mener leur guerre contre Jugurtha, retiré dans le Sud. Les combats prirent fin en 105, par la capture du chef numide. Celui-ci fut exilé à Rome et exécuté le 1er Janvier 104. (plus de détails sur les guerres de Jugurtha)

   C'est en 46 av. J.C., sous Jules César, que Cirta fut annexé à l'empire romain, avec le reste de la Numidie indépendante de Juba, au sein de l’Africa Nova. La ville était alors occupée par Sittius.

   En 42-40 av. J.-C., Cirta fut assiégée, en tant que résidence probable du gouverneur romain de cette nouvelle province, Sextius, lors des conflits qui opposa celui-ci à Cornificius, gouverneur de l’Africa Vetus.

   Après une première fondation coloniale de la Colonia Julia Cirta vers 40 av. J.-C., probablement à la suite d’un programme de J. César, la colonie fut renouvelée du temps d’Auguste, entre 36 et 27 av. J.-C, en une importante colonie, celle des Siccensis. Ce sont probablement des descendants de vétérans marianistes (soldats de Marius qui combattirent Jugurtha) transplantés de l’Est et des vétérans, fraîchement démobilisés, de J. César. Ces colons furent classés dans la tribu romaine de Quirina. La ville devait porter, dès lors, le nom de Sicca en même temps que celui de Cirta. Il est fort possible que le renouvellement de la colonie julienne (Colonia Julia Cirta) ait donné lieu à l’épithète nova de Cirta Nova.

   Très tôt, celle-ci devient le centre d’un important mouvement migratoire et d’un vaste territoire colonial (pertica). En témoigne la variété des identités des habitants : Antistius, Aurelius, Caecilii, Calpurnii, Sallustii, Calecinius, Laberii, Ilius,... De plus, il n’est pas exclu que Cirta Sicca, dont le territoire initial devait s’étendre sur une très vaste superficie, ne fut pas pour un temps, le siège du légat de la Numidie proconsulaire avant la création du Diocèse d’Hippone à la fin du IIe siècle.

   La ville sera plus connue sous le nom officiel de Colonia Julia Veneria Cirta Nova Sicca, bien qu’on la désigna, assez tôt, au début de l’époque impériale, du temps de Tibère, sous le double nom de Cirta et de Sicca. Mais le nom usuel qui devait prédominer fut Sicca Veneria, nom composé reflétant son statut mixte et particulier, celui d’une ville-temple, où l’on distingue entre l’ordo des Siccenses civil et les Venerii religieux (colonia Siccensium et Veneris).

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Aqueduc Romain

   Le nom de Cirta fut toutefois utilisé dans les milieux autochtones jusqu’au IVe siècle. Sicca est signalée par la plupart des sources géographiques anciennes comme dans Pline, Ptolémée, l’Itinéraire d’Antonin et la Table de Peutinger. Elle est au centre d’un important carrefour routier, c’est la plus importante station sur la voie qui relie Carthage à Cirta (Constantine).

   La ville, sous la direction de l’ordo des Siccenses, devait connaître une remarquable évolution urbaine et architecturale marquée par d’importantes réalisations monumentales : forums, Capitole, temples, théâtre, amphithéâtre, arcs de triomphe, monuments honorifiques. L'alimentation en eau fut assurée par un aqueduc pour suppléer à la source principale Ras el Aîn. L'abondance en eau permit de développer un important réseau d'adduction et d'évacuation encore utilisé de nos jours. Un important complexe thermal vit le jour vers le 3ème siècle ap.J.C.

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Thermes romains dans le Centre Ville

   La ville a dû connaître notamment une importante production artistique, particulièrement dans l’art de la mosaïque. La multiplicité des thermes, les jeux de cirque, les représentations théâtrales, dont certaines sont données en langue grecque, l’animation de la vie économique, politique et religieuse laissent deviner une cité prospère et vivante. Cirta Sicca, devenue creuset romano-africain, donna à l’empire romain une brillante élite et d’illustres personnages politiques, littéraires, scientifiques, tels que :
    - Aquila
    - Q.Iulius (IIe siècle), chevalier de l’ordre équestre en Germanie, en Pannonie Supérieure et en Judée
    - I. Fidus (frère de Q.Iulius)(IIe siècle), épistratège en Thebaïde et en Dacie Inférieure
    - C. Iilius Aquilinus (IIe siècle), chevalier romain également
    - P.L. Papirianus (IIe siècle) procurateur de l’Empereur M. Aurèle, célèbre pour son legs au conseil municipal de la ville
    - les Laberii, magistrats à Thubursicu Numidarum
    - M. Tuticius (Eutychius)(IIe siècle), précepteur de Latin de M. Aurèle et procurateur des biens de l’empereur dans la région
    - Nepotianus (IIIe siècle), citoyen de Sicca Veneria, occupait la première chaire romaine de rhétorique latine avec un traitement de 100.000 sesterces. Il est qualifié de procurator centenarius primae cathedrae.
    - Macrobius (Ve siècle) est philosophe et gouverneur de Carthage et de l’Espagne
    - Caelius Aurelianus (Ve siècle), médecin bien connu du monde antique.

   Le vieux temple d’Ashtar, célèbre pour son confrérisme féminin, fut converti, du temps des Juliens, en temple de Vénus, dirigé par un collège des Venerii. Il fut, vraisemblablement, rénové au IIe siècle, du temps d’Hadrien. C’est ce qui pourrait éventuellement expliquer l’adjectif de nova accolé à la titulature officielle de la ville. Le temple de Vénus resta en activité jusqu’au début du IVe siècle et continua à bénéficier de soins particuliers de la part du curateur de la ville Valerius Romanus.

   La ville a dû connaître au milieu du IIIe siècle d’importants troubles. Sicca fut témoin, du temps de Gallien (253-268) et des fameux trente empereurs usurpateurs, de la malheureuse aventure de l’imperator africain Celsus (265), qui fut destitué et massacré, après une semaine, par les citoyens et la garnison de la ville, restés fidèles à la légalité. En 276, le soulèvement berbère emmené par Aradion, fut réprimé par le futur empereur Probus au terme d'un combat singulier entre les deux chefs, non loin de la ville. Probus honorera son malheureux adversaire en lui faisant élever un important mausolée.

   L'arrivée du christianisme fit de Sicca un important évêché cité dès 256. Elle y eut un martyr, l’évêque Castus (255). Son église connut ses heures de gloire grâce à d’autres évêques célèbres tels que :
    - Patrice (348)
    - Fortunatianus (407)
    - Paulus le donatiste (411)
    - Urbanus (429)
    - Paulus (481)
    - Felix le Vandale (Ve siècle)
    - Candidus (VIIe siècle)

   Arnobe, ardent défenseur de la foi chrétienne, enseignait la rhétorique à Sicca, du temps de Dioclétien (284-305). Il y animait, à l’instar de Madaure, une véritable académie et une célèbre école de rhétorique fréquentée par beaucoup de jeunes qui affluaient de partout. On y venait de Carthage même, comme ce fut le cas du célèbre saint Marcellin d’Embrun. C’est à Sicca que ce dernier côtoyait Donat et deux jeunes chrétiens : saint Vincent et saint Domnin. Lactance, le plus brillant des élèves d’Arnobe, était vraisemblablement originaire de la région. De Sicca, ces brillants élèves partiront en Europe où ils connaîtront une remarquable destinée.

   Saint Marcellin, saint Vincent et saint Domnin, armés de l’enseignement lumineux de l’école de Sicca, iront évangéliser une région retournée au paganisme, celle des Alpes de Haute Provence en France. Ils y fondèrent des églises, à Embrun et à Digne.

   Enseignant aussi bien en Afrique, en Nicomédie, qu’en Gaule, Lactance deviendra l’un des plus célèbres apologistes du monde latin et Donat, installé à Rome, deviendra l’un des grammairiens le plus notoires. C’est probablement à travers le témoignage de ce dernier que son élève Saint Jérôme put rédiger la courte biographie d’Arnobe de Sicca.

   Parmi les théologiens célèbres, on doit également citer Saint Augustin qui fit de nombreux séjours à Sicca où il anima la vie monastique.

   C’est à la fin du IVe siècle qu’on construisit sur les vestiges du Capitole païen l’importante église de saint Pierre (Dar el Kous).

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Basilique Romaine de Dar el Kous

   On peut supposer que l'arrivée des Vandales au 5 ème siècle (prise de Carthage par Genséric en 435) fut une catastrophe pour la ville pendant près d'un siècle. Sicca, devenu fief de l’arianisme (forme de christianisme non reconnu par l'Eglise officielle catholique), fut un lieu de déportation de plus de quatre mille Catholiques persécutés par Hunéric (477-484). Ce fut l'époque où saint Fulgence tenta en vain de fonder un ordre à Sicca. La période vandale prit fin en Tunisie en 534 par les victoires des troupes byzantines de Belisaire.

   A l’époque byzantine la ville était dotée d’édifices religieux et d’ouvrages de fortification qui en firent l’une des plus importantes places du pays pour surveiller les grands axes et contrer les mouvements de résistance maures. Son nom Sicca Veneria s’est transformé, à la fin de l’Antiquité classique, sous l’influence chrétienne, d’une ville vénérée (Sicca Veneria) à une ville bénie (Sikka Beneria), nom que les conquérants Arabes allaient hériter, transcrire et transmettre sous la forme de Chaqbanariya.

   Les armées arabes arrivèrent en Tunisie dès 648 (victoire des armées d'Abdallah ben Saad sur les troupes du patrice Grégoire). Sicca connut un premier raid des armées arabes en 688, du temps de Zouheïr ibn Qaïss Al Balawi. Si Carthage tomba en 689, la conquête définitive de Sicca semble acquise à la fin des campagnes de Moussa ibn Noussayr. Islamisée mais insoumise, Chaqbanariya sera en 788 l’ultime carré de résistance des Berbères Kharéjites soufrites du nord, conduits par Salah Ibn Noussayr En-Nafzi et la Phalange des grands doctrinaires, où ils seront défaits devant le chef des armées de Yazid.

   La ville, célèbre pour sa Qalaâ (forteresse), fut mêlée néanmoins à plusieurs événements importants comme la chute des Aghalabides en 909, la révolte d’Abi Yazid et les guerres civiles entre Badis et son oncle Hammad.

   Siège de gouverneur à l’époque ziride la ville se déclara autonome au XIe siècle, lors de l’invasion des tribus arabe des Béni Hillal (1051-1052). Les Almohavides la récupèrent des mains de ces seigneurs, les Klaâ en 1159. Elle connut en 1181 les incursions de l’Arménien Qaraqouch, relayé par le Morabit Majorquin Ibn Ghaniya qui réussit en 1204 à la faire rentrer sous son autorité après un premier échec en 1200. Ce fut la dernière fois où l’on évoqua la Qalaâ de Chaqbanariya.

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Vues de la vieille ville (Medina)

   La ville tomba alors dans l’anonymat complet. C’est à peine si l’on citait son nom. Même si d’autres sources évoquèrent du XIIe siècle au XIVe siècle sa grandeur et sa splendeur passées, elle est à peine évoquée par le voyageur-pèlerin marocain Al’Abdari au XIIIe siècle sur la route des fortresses (tariq al qilaâ). Le fin lettré Andalous Abi Al Moutarif ‘Amira au XIVe siècle ne disait pas beaucoup de bien de la ville. Seule image lumineuse de cette époque : l’enseignement que donna Sidi Ahmed bin Harzallah au XVe siècle. La ville semble garder toutefois son prestige religieux.

   Fief autonome de la tribu arabe des Muhalhil, les Béni Channouf, au moment de la décomposition du pouvoir Hafside, Chaqbanariya, devenue au cours du XVIe siècle El Kef , le Rocher (الكاف) sera reprise, à la fin du XVIe, par les Ottomans de Tunis (1573 : occupation de Tunis par Sinan Pacha) pour en faire un important point d’appui pour contenir les tribus autonomes de la région et recréer le territoire national. On y construit déjà, dès 1600, un premier fort. Des conflits frontaliers avec le voisin algérien en 1614 et 1628 allaient mettre en valeur la position forte du Kef. On y installa dès 1637 une garnison permanente (oujaq) appuyée par des tribus supplétives (makhzen). Le Kef devint un véritable bastion avancé de la Régence de Tunis face à l’ouest.

   El Kef connaîtra, à partir du XVIIe siècle et sous l’ombre de cette nouvelle paix, un essor économique, urbain et culturel remarquable. Son rôle religieux sera encore mieux souligné par la fondation d’ordres confrériques et maraboutiques. Sa vocation défensive restera néanmoins prédominante. Elle sera l’enjeu des différents conflits armés qui marquèrent la fin du XVIIe siècle et le début du XVIIIe siècle entre prétendants mouradites et Algériens et entre Ibrahim Chérif et ces derniers. Ces multiples conflits allaient amener au pouvoir, en 1705, une nouvelle famille régnante originaire du Kef, la dynastie husseinite des fils du Grec Ali Turki, originaire de Candie et commandant de la place et des njou’a arabes du Kef, Husseïn, Mhamed et son fils Ali Bacha, ainsi que le frère maternel de Husseïn, Ameur Bey. El Kef est connu comme la ville du trône (Blad al koursi).

   La place forte du Kef demeura le principal théâtre et enjeu des longs conflits qui opposèrent, dans la première moitié du XVIIIe siècle, les partisans de Husseïn bin Ali et ceux de son neveu Ali Bacha, querelles attisées par les interventions armées des Turcs d’Alger. Ali Bacha renforça considérablement les fortifications du Kef et la ceintura de remparts, dès 1740. La dernière campagne de 1756 verra toutefois la destruction de la ville et son désarmement. Ce n’est qu’au début du XIXe siècle que Hamouda Bacha, décidé à s’affranchir de la tutelle d’Alger, réhabilita la place du Kef et relèvera de nouveau ses fortifications et sa Kasbah. Celles-ci permirent de nouveau, grâce à la participation active des principaux chefs religieux de la ville et au ralliement des tribus frontalières, de remporter d’écrasantes victoires sur Alger et de sauvegarder l’intégrité du territoire de la Régence de Tunis et son indépendance.

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La Kasbah

   La ville allait s’imposer, à partir de la fin du XVIIIe siècle comme une véritable métropole confrérique et maraboutique. On y dénombrait à la fin du siècle dernier la plupart des grandes confréries du Maghreb telles les Aïssaouiya, les Rahmaniya, les Qadriya et plus de cent coupoles de marabouts, telle la superbe mosquée de Sidi Bou Makhlouf.

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Mosquée Sidi Bou Makhlouf

   La ville connut également, malgré les différents conflits, disettes ou épidémies, une prospérité économique et une importante expansion urbaine. Elle fut un véritable foyer de personnalités religieuses, intellectuelles et politiques, sans oublier une importante communauté juive, qui compta jusqu'à 600 personnes regroupées dans la Hara, autour de la synagogue aussi appelée Ghriba. (plus de détails sur la communauté juive du Kef)

   El Kef fut en 1864 au coeur de la grande insurrection des tribus ounifa de la région contre le pouvoir beylical et les exactions des Mamlouks de la cour. En dépit du rôle modérateur tenu par les chefs religieux de la ville, la ville et sa région connaîtront une répression aveugle. Les calamités de 1867 finiront par précipiter la ville dans le gouffre. Celle-ci connaîtra un déclin urbain et démographique fatal achevé par l’occupation militaire française de 1881 où les chefs religieux, le gouverneur et la population de la ville, partagés entre la modération et la résistance armée, ouvrirent les portes de la ville sans combat.

   Place militaire française, centre de colonisation et d’exploitation minière, érigée en commune dès 1884, el Kef sera le centre administratif de la IIIe Région. (conseils municipaux de 1884 à 1957) La ville jouera au cours de la seconde guerre mondiale le rôle de capitale provisoire du pays demeuré hors des zones occupées par les forces de l’Axe. On avait même eu le projet d’y chercher un Bey pour remplacer Moncef Bey, destitué.

   Foyer de militantisme politique, syndical au cours de la lutte nationale, El Kef et sa région étaient également un sanctuaire de la résistance armée tunisienne et algérienne. Le leader Habib Bourguiba aimait y séjourner et s’identifia souvent à Jugurtha. Marginalisée et victime de politiques économiques récentes, la ville connaît actuellement un renouveau urbain remarquable.

   Sa superficie urbanisée actuelle est de 2500 hectares dont 45 sont situés à l'intérieur des anciens remparts de la vieille medina. Elle compte 42.449 habitants (1994). Chef-lieu du Gouvernorat du Kef, l'ensemble de la vile actuelle est réparti entre deux délégations, celle du Kef oriental et celle du Kef occidental.

   Son statut actuel de ville moyenne ne reflète en rien son histoire. Heureusement, son patrimoine architectural ne cesse de bénéficier d’importants programmes de restauration et de mise en valeur, dignes de sa longue et prestigieuse histoire.

 


LITTERATURE : PRISE DU KEF EN 1881
 

<""LA CONQUETE DE LA TUNISIE" de Paul d'ESTOURNELLES de CONSTANT)>

 

Général Logerot (Marc Gantier)

   Le Kef (l'ancienne Sicca Veneria) est la principale ville de la Tunisie occidentale, le noeud d'un grand nombre de routes. Sa situation sur un rocher, ses fortifications en font une place imprenable aux yeux des Arabes, mais qui ne pouvait résister longtemps à notre attaque. Le gouverneur, Si Rechid, ennemi déclaré de la France (et probablement parent du général qui fut exécuté par le khaznadar en 1867), y avait pourtant réuni mille combattants, qu'il avait armés et surexcités de son mieux. Il attendait ausi les tribus voisines appelées à soutenir la défense; appel imprudent, car c'était livrer la ville à leurs déprédations. Le chef d'un ordre religieux prêchait aux habitants la guerre sainte. Tout faisait craindre que nous ne puissions pénétrer dans la place que de vive force. Si rapide que dut être notre succès, le fait de voir une place nous résister et la première que nous trouvions devant nous, alors que les villes généralement paisibles et toutes commerçantes dans la Régence sont le refuge habituel de l'ordre, le point d'appui de l'autorité contre les rebelles, ce fait seul eût probablement soulevé contre nos colonnes les populations encore hésitantes, et rempli les autres d'audace. Pour peu que le siège du Kef eût duré quelques jours, la plupart des tribus se jetaient dans l'insurrection, de la Medjerdah jusqu'aux oasis du Sud.
   

<EN TUNISIE de Albert de la BERGE>

   Ce fut la colonne du sud, commandée par le général Logerot, qui entra la première en mouvement. Le 24 au matin elle quittait le bordj français de Sidi-Youssef à Souk-Ahras et pénétrait sur le territoire de la tribu tunisienne des Charen. Après plusieures heures de marche sur un terrain broussailleux et raviné, elle atteignit la petite vallée de l'Ouadi-Allagh, sur les versants de laquelle étaient quelques douars. Les goums arabes, que commande le capitaine Heyman, chef des affaires arabes, ouvraient la marche, portant le drapeau français, venaient ensuite la brigade de cavalerie commandée par le général Gaume, le 2e tirailleurs, les zouaves, les Chasseurs d'Afrique, le 83e de ligne et l'artillerie. Le 24 au soir, la colonne couchait sans incident sur les bords de l'Oued-Mellègue, apercevant dans le lointain les murailles et les minarets du Kef.

   Le 25 au matin, l'Oued-Mellègue était franchi à gué, et, après s'être fait éclairer à quelques kilomètres en avant par les goums et les chasseurs d'Afrique, la colonne entrait dans le défilé de Darrabia, gorge sauvage aux pentes escarpées, où poussent quelques rares génévriers et de maigres bouquets de thuyas. Ce défilé fut le seul passage difficile entre la frontière et le Kef. La colonne eut ensuite à traverser une série de plateaux sablonneux couverts de broussailles et de romarin. A dix heures, elle campait sur les hauteurs qui bordent l'Oued-Remel à gauche; l'avant-garde, composée des chasseurs d'Afrique et des zouaves, était à 4 kilomètres en avant, à 3 kilomètres seulement du Kef.

   Le 26, à six heures du matin, les troupes quittaient le campement et se dirigeaient vers le Kef. Les goums suivaient les crêtes de gauche, les chasseurs à cheval éclairaient la droite. Les tirailleurs, les zouaves et le 83e s'étaient déployés dans la plaine pendant que la 3e batterie du 26e d'artillerie s'était établie sur le sommet d'un des mamelons qui forment à gauche les derniers contreforts montagneux sur lequel s'appuie le Kef. Les portes de la ville étaient fermées, et de l'éminence où étaient placés nos artilleurs on pouvait apercevoir des soldats tunisiens et des Arabes debout sur les remparts et suivant les mouvements de nos troupes.

   Quarante-huit heures auparavant, le gouverneur du Kef avait songé à se préparer au combat. Les canons de la Kasbah avaient été chargés et bourrés à éclater. Un certain nombre d'Arabes Charen étaient venus des environs de la ville. Plusieurs marabouts avaient prêché la guerre sainte dans les mosquées. Des grand's gardes avaient été postés la veille, à 200 mètres en avant de la ville, et le 25 on avait pu avec des lorgnettes constater du camp français un mouvement de cavaliers entrant et sortant par la porte Bab-el-Anir.
   Ces projets de résistance n'avaient pas, heureusement pour la ville, l'assentiment de toute la population et même de tous les cheikhs arabes. Notre agent consulaire au Kef, M. Roy, qui était en même temps le directeur du bureau télégraphique, tenait notre chargé d'affaires, M. Roustan, au courant de ce qui se passait dans la ville et ses dépêches du 24 et du 25 avril sont fort curieuses à lire :

Kef, 24 avril 1881 (midi)
   Si-Rechid vient d'être informé que la colonne Logerot a passé la frontière ce matin et marche sur le Kef

Kef, 24 avril (1 h 15 mn soir)
   Des armes sont distribuées à tous les hommes valides qui sont envoyés aux remparts; cela fait un peu plus de mille combattants.
   La colonne Logerot va camper ce soir à l'Oued Mellègue, à mi-route de Sidi Youssef au Kef.

Kef, 24 avril 1881 (7 h 15 mn soir)
   Le cheikh Kaddour, chef de l'ordre de Sidi-Abd-el-Kader, vient de m'écrire pour me demander ce qu'il doit faire; je réponds qu'il n'a rien à craindre et que je ne saurais que l'engager à persévérer dans ses bons procédés à notre égard.

Kef, 24 avril 1881 (8 h soir)
   Le cheikh Kaddour est disposé à aller à la rencontre de la colonne se présenter au général Logerot. Je crois que cette démarche aura d'heureux résultats, et, sauf meilleur avis, je délivrerai un mot d'introduction à Si-Kaddour.
   Nos ennemis font courir le bruit que je suis cause de la marche en avant de nos troupes. J'espère, malgré leurs menées, préserver nos protégés de toute violence.

Tunis, 24 avril 1881 (8 h 50 mn soir)
   Je vous engage à faciliter la démarche projetée par le cheikh Kaddour, et, en général, tout ce qui pourra épargner une effusion de sang inutile. Vous pouvez dire à Si-Rechid que le bey m'a donné plusieurs fois l'assurance que ses troupes se retireraient devanrt les nôtres pour engager la lutte. Il fera donc bien de s'assurer des ordres du Bardo avant de tenter aucune résistance.

Kef, 25 avril 1881 (8 h 30 mn matin)
   Le général Logerot désire ne recevoir personne. Si-Rechid prétend qu'il ne serait plus écouté s'il conseillait aux habitants de ne pas défendre la ville; il télégraphiera au Bardo lorsqu'il aura reçu sommation de se rendre.
   Les préparatifs continuent; il règne une grande agitation. Il est possible que les Khamemsas et leurs voisins viennent concourir à la défense de la place.

Kef, 25 avril 1881 (10 h 10 mn matin)
   J'ai suivi vos instructions d'hier au soir et je pense que tout se passera bien. Si-Rechid que j'ai revu n'a pu retenir ses larmes; il ouvrira probablement les portes de la ville après que le général Logerot lui-même aura envoyé un parlementaire. Le cheikh Ali-ben-Aïssa, qui jusqu'à ce matin a excité la population contre nous, m'a demandé à faire sa soumission. On a coupé la communication téléphonique avec l'Algérie. La colonne campe à Sidi-Abd-Allah-Zeghir

Kef, 25 avril 1881 (1 h 20 mn soir)
   Jusqu'à midi, pas un Arabe du dehors n'était venu concourir à la défense de la ville, et on ne comptait plus sur les tribus voisines. Elles viennent d'annoncer leur prochaine arrivée. A cette nouvelle, Ali-ben-Aïssa s'est retourné contre nous, et prêche la guerre sainte.
   On dit que les contingents que réunit Hassouna-Zouari seront dirigés vers le Kef.
   Je suis sans communication avec la colonne; mes tentatives pour informer le général de cette nouvelle situation sont restées inutiles jusqu'à présent.

Kef, 25 avril 1881 (3 h 35 mn soir)
   Ce sont les goums algériens qui sont campés à Sidi-Abd-Allah-Zeghir. Les troupes françaises sont à l'Oued-Remel à 9 kilomètres d'ici. Comme hier, elles se sont avancées sans éprouver de résistance.

Kef, 25 avril 1881 (7 h 15 mn soir)
   Les renforts que l'on attendait ne sont pas arrivés; d'autre part, le cheikh Kaddour a renvoyé chez eux les Arabes qui étaient descendus dans sa zaouïa. Nos amis ont agi. Ben-Aïssa, découragé, a renouvelé sa démarche de ce matin.

Kef, 25 avril 1881 (8 h 40 mn soir)
   Toute idée de résistance est abandonnée. Une députation ira demain matin le dire au général Logerot de la part du khalifa, du cadi et de plusieurs notables; il reste à savoir s'il n'exigera pas que cette démarche soit faite par Si-Rechid

Kef, 26 avril 1881 (9 h 10 mn matin)
   Nous avons eu ce matin une nouvelle alerte causée par quelques Arabes du dehors, qui voulaient probablement faire naître une occasion de piller en ville. La population les a chassés; elle est bien décidée à ouvrir les portes. Les magistrats et les principaux habitants l'ont déclaré chez Si-Rechid en ma présence.

Kef, 26 avril 1881 (9 h 35 mn matin)
   J'ai couru quelque danger ce matin en voulant, de concert avec les autorités, faire ouvrir les portes de la ville pour envoyer un courrier à la colonne; maintenant tout danger a disparu; la ville entière assiège l'agence pour se recommander à nous. Le parlementaire est arrivé.

Kef, 26 avril 1881 (11 h 20 mn soir)
   Les portes de la ville sont ouvertes ainsi que la Casbah où le général va mettre garnison. La colonne campera en dehors de la place.

 

<"L'EXPEDITION DE TUNISIE" de François BROCHE)>

   A quelques centaines de mètres des murs, le général envoie en parlementaire le lieutenant-colonel de Coulanges du 1er zouaves, avec la lettre suivante destinée à Si Rechid :

  "La colonne que je commande et qui a franchi la frontière tunisienne a pour mission de concourir, avec la colonne qui s'est formée à Roum el-Souk, au châtiment que nous devons et que nous voulons infliger aux Khroumirs pour les fautes dont ils se sont rendus coupables en violant notre territoire et en attaquant nos soldats."
  "Pour l'accomplissement de cette mission, il est indispensable que j'occupe Le Kef : une garnison restreinte occupera la kasbah et le château; le reste de mes troupes n'entrera même pas dans la ville."
  "Tels sont les ordres que j'ai reçus et que j'exécuterai."
  "Si donc vous voulez empêcher l'effusion de sang, laissez franchir vos ports à la troupe qui doit occuper Le Kef. Dans le cas d'un refus de votre part, je me verrais dans l'obligation d'entrer au Kef par la force".

   A la grande surprise de Logerot, le lieutenant-colonel revint avec l'acceptation de Si Rechid. Toutes les conditions françaises étaient acceptées!

<"LA CONQUETE DE LA TUNISIE" de Paul d'ESTOURNELLES de CONSTANT)>

   Le 26 Avril à onze heures et demie du matin, le général Logerot entrait avec sa colonne dans la ville, sans qu'un seul coup de fusil eût été tiré. Les tribus, déconcertées à cette nouvelle, restèrent chez elles. L'insurrection était localisée dans le Nord-Ouest.

   Ce succès peu brillant ne produisit en France presque aucun effet, mais il n'en fut pas de même en Tunisie. Le général Logerot apprécia à sa valeur le service que venait de rendre à notre cause M. Roy. Sur sa proposition, le gouvernement récompensa cet agent d'élite en le nommant chevalier de la Légion d'Honneur. Dix ans bientôt se sont écoulés depuis cette époque, M. Roy est toujours au Kef. C'est faire de lui un bel éloge (il sera nommé en 1890 secrétaire général du gouvernement tunisien). Le général Logerot tint grand compte à la population du Kef de la modération dont elle avait fait preuve et donna à tous les chefs l'ordre formel de faire respecter scrupuleusement la ville, de ne laisser causer aucun dommage aux habitants. Il ne toléra aucune réquisition. Les Arabes vendirent leurs marchandises mieux que de coutume, en les faisant payer à nos hommes le double de leur valeur. Jamais les marchés du Kef ne furent mieux approvisionnés. On accourait des campagnes, non pour nous attaquer, mais pour profiter de notre passage.[...]
   Le général Logerot ne s'attarda pas au Kef. Ses dispositions prises, le jour même, pour assurer la garde de la place et l'ordre dans la garnison qu'il y laissait, il partit, dès le 28 au matin.[...]

   Le 3 juillet 1881, les opérations militaires en Tunisie sont terminées. Quinze mille hommes environ restent dans le pays. Ces forces sont réparties sur les points suivants: La Manouba, Bizerte, Mateur (commandement du général Maurand), Aïn-Draham, Fernana, Enchir, Ghardimaou, Le Kef [...]

<"HISTORIQUE DU 13e REGIMENT DE CHASSEURS" de P. DESCAVES>

   Le 23 Juin 1881, l'Etat-Major et le 2e Escadron du 13e Régiment de Chasseurs arrivent au Kef. Le Colonel de la Roque est nommé Commandant supérieur du Kef. Le Commandant de Bouteiller y est appelé le 27; le 12 Juillet, le petit dépôt de Bône y rejoint le 2e Escadron.

   Le 29 Septembre, des contingents insurgés, environ 400 cavaliers et 1200 fantassins, sous la conduite du Caïd Salah-ben-Haminouda, se dirigent sur la route de Tunis vers l'Enchir-ben-Ali. Le Colonel sort du Kef à la tête de trois Compagnies et de deux Pelotons du 2e Escadron et les repousse.

   Le 2 Octobre, le 2e Escadron sort du Camp pour protéger l'arrivée de deux Bataillons venant de Souk-Ahras et attaqués pendant leur marche.

   Le 4, le 20e Bataillon de Chasseurs à pied quitte le Kef et est attaqué pendant sa marche. L'escadron oblige l'ennemi à abandonner son attaque.

   Le 10, le Colonel laisse au Kef un Peloton du 13e Chasseurs, quelques détachements d'artillerie et d'infanterie sous le Commandement du Chef d'Escadron de Bouteiller, et forme avec les autres troupes une petite colonne expéditionnaire avec laquelle il se porte sur la route du Kef à Tunis, menacée par les contingents d'Ali-ben-Amar.[...] Aux termes de furieux combats le 22 octobre, la route est dégagée.

   Le 1er Juin 1882, un télégramme du Général Commandant en chef ordonne la concentration immédiate au Kef des trois Escadrons du 13e Chasseurs en Tunisie et la formation à 150 hommes et 141 chevaux des 3e et 4e Escadrons qui sont désignés pour se rendre à Sétif, avec le Commandant de Bouteiller.
   Le Colonel de la Roque resta à Tunis.

 


COMPTE-RENDUS DE LA PRISE DU KEF DANS LE JOURNAL L'ILLUSTRATION

L'ILLUSTRATION N°1993 du 7 MAI 1881

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   Le Kef - Le Kef, l'ancienne Sicca Veneria des Romains, était jadis une ville beaucoup plus importante. Les guerres avec les deys d'Alger et surtout l'insurrection de 1864 l'ont à peu près ruinée. Il y reste tout au plus deux mille habitants, parmi lesquels il n'y a pas d'autres européens que le personnel du Télégraphe. La ville est entourée d'un mur d'enceinte fort délabré et dominée par une citadelle ou casbah. Deux cents soldats environ, plus déguenillés qu'à Tunis, en forment la garnison. Le Kef jouit de la réputation d'être, avec Kairouan, la ville la plus fanatique et aussi la plus corrompue de la Régence.

L'ILLUSTRATION N°1995 du 21 MAI 1881

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   La Capitulation du Kef - Cinq de nos dessins sont consacrés à cet évènement. Après avoir passé la frontière le 25 avril, la brigade du Général Logerot était arrivée le 26, rappelons-le devant la place, dans laquelle il n'y avait à ce moment, qu'un seul français, M.Roy, agent consulaire de France et directeur du télégraphe.

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   M.Roy, dont nous donnons le portrait, n'avait cessé, depuis l'entrée de la brigade en Tunisie, de se tenir en communication avec elle, au péril de sa vie. En effet, il a couru un instant le plus grave danger, mais à force d'audace et de sang-froid, il s'en est tiré, et l'on peut dire que si le général Logerot a pris posession du Kef sans effusion de sang, on le doit au courage du vice-consul et à son influence sur le gouverneur et sur la majorité de la population.

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   Le corps d'armée, divisé en trois colonnes, après s'être approché de la ville, l'avait investie de trois côtés et nos batteries avaient pris position, comme le montre un de nos dessins, sur les mamelons qui entourent les remparts, à une distance variant entre mille et mil-huit cent mètres. L'infanterie s'était approchée davantage encore, et les avant-postes, masqués par des oliviers, étaient arrivés à portée de voix. Alors, un parlementaire français alla demander l'entrée d'une des portes de la ville.

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   Le gouverneur, auprès duquel il fut aussitôt introduit, répondit à la sommation qui lui était faite de livrer le Kef que son intention était d'abord de se défendre, mais qu'en présence de l'opposition de la plus grande partie des habitants il y avait renoncé. Aussitôt, le général donna l'ordre aux avant-postes d'entrer en ville et de prendre immédiatement possession de la Kasbah.

   Ce sont les tirailleurs algériens qui entrèrent les premiers; puis les chasseurs à cheval qui montèrent au galop les rues escarpées du Kef; puis la grosse artillerie péniblement traînée jusque sur les hauteurs que couronne la citadelle qu'elle était destinée à armer. Enfin, le général Logerot, avec tout son état-major, entra à son tour, suivi d'un bataillon du 83e de ligne. Il se rendit directement à la Kasbah. Le gouverneur l'attendait à la porte, où il lui remit les clefs de la ville. C'est le sujet de notre dessin de la première page.

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   Il est inutile de dire que la plus grande partie de la garnison s'était éloignée. Le reste se cachait de son mieux. Les Arabes résidents, au contraire, groupés dans les rues et enveloppés dans leurs burnous blancs, regardaient curieusement l'armée passer. Quant aux nomades, c'était d'un tout autre air qu'ils la regardaient, et l'éclair qui, de temps en temps, jaillissait de leurs yeux n'accusait que trop clairement leur haine.

 

 

 

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